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SC 393
Bernard de Clairvaux
L'Amour de Dieu. La Grâce et le libre arbitre
ŒUVRES COMPLÈTES XXIX
décembre 1993
Texte latin des S. Bernardi Opera par J. Leclercq, H. Rochais et Ch.-H. Talbot. — Introduction, traductions, notes et index par Françoise Callerot, o.c.s.o., Jean Christophe, o.c.s.o., Marie-Imelda Huille, o.c.s.o. et Paul Verdeyen, s.j.Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres.ISBN : 9782204093101389 pagesUne invitation à s'engager librement dans la relation amoureuse qui unit le Créateur à sa créature.Présentation
Le traité sur L'Amour de Dieu remonte dans sa première rédaction aux années 1124-1125, quand Bernard se met à écrire. Mais ce texte a été remanié par la suite pour être offert au Cardinal Aimeric vers 1133-1135. Ces pages mettent en place de façon originale le problème fondamental de la foi chrétienne et de toute religion : la relation au divin. Elles auront une grande influence par la suite. Outre la célèbre formule – « La mesure de notre amour de Dieu, c'est l'aimer sans mesure » –, Bernard aide à parcourir le chemin qui mène de l'égoïsme humain à l'amour de Dieu.
Le Traité sur La Grâce et le libre arbitre est sans doute plus tardif ; sa composition serait à situer avant 1128. Dans le cadre d'un enseignement à des moines, Bernard se révèle théologien de grande classe au sujet d'un problème qui tourmente la conscience chrétienne occidentale depuis les luttes du IVe siècle contre Pélage. Pour Bernard, les deux réalités – grâce et libre arbitre – ne sont pas à opposer : plus l'on reconnaît son rôle à la grâce de Dieu, plus on magnifie la liberté inamissible de l'homme.
Marie-Imelda Huille, cistercienne de l’abbaye N.-D. d’Igny, Jean Christophe, cistercien de Sainte-Marie-du Désert et Paul Verdeyen, jésuite, de l'Université d'Anvers ont contribué chacun à l'édition du Traité sur L'Amour de Dieu. Françoise Callerot, cistercienne de N.-D. des Gardes, a édité le Traité sur La Grâce et le libre arbitre.
Le mot des Sources Chrétiennes
L'Amour de Dieu et La Grâce et le libre arbitre de Bernard de Clairvaux sont deux traités de tonalité bien différente.
Le premier, auquel ont travaillé en collaboration deux cisterciens, J. Christophe et M.-I. Huille, et le Père P. Verdeyen, s.j., est moins un exposé objectif des raisons qu'on a d'aimer Dieu qu'une invitation à s'engager dans la relation amoureuse qui unit le Créateur et sa créature, Dieu et l'âme humaine, puis à parcourir les degrés de cet amour jusqu'à l'amour parfait. Aussi, à la question de savoir « pourquoi et dans quelle mesure il faut aimer Dieu », Bernard peut répondre : « La cause de notre amour de Dieu, c'est Dieu lui-même ; la mesure, c'est de l'aimer sans mesure. » Nous sommes transportés là dans le domaine de l'expérience spirituelle et mystique que Bernard explorera aussi dans ses Sermons sur le Cantique.
Avec La Grâce et le libre arbitre, édité par F. Callerot, moniale cistercienne, on découvre un Bernard théologien, qui aborde avec une grande maîtrise le délicat sujet de la liberté de l'homme, du péché originel et de la grâce. En s'inspirant largement d'Augustin, mais aussi d'Anselme, Bernard tente avec un discernement remarquable de montrer comment parviennent à se concilier l'action de la grâce et celle du libre arbitre : selon lui, l'accès à la vraie liberté s'obtient en « consentant » à la grâce de Jésus Christ, Dieu et homme, qui en nous transformant intérieurement nous permet d'accomplir librement ce qui dépasse notre nature d'homme.Jean-Noël Guinot
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
L'Amour de Dieu
L’Amour de Dieu a été écrit entre 1132 et 1135 à l’intention d’Aimeric, cardinal-diacre et chancelier de l’Eglise romaine. L’édition SC, comme dans toute la série bernardine, reprend celle des Sancti Bernardi Opera avec quelques corrections (p. 52-53).
La première partie (1 -22) constitue une réponse aux questions d’Aimeric. À la première, pourquoi doit-on aimer Dieu ?, Bernard répond : parce que Dieu nous a aimés le premier (1-16) ; de plus l’amour, qui ne saurait être pour autant une démarche intéressée, a sa récompense auprès de Dieu (17-21). Il s’agit moins d’un exposé objectif des raisons qu’on a d’aimer Dieu que d’une invitation à s’engager dans la relation amoureuse qui unit le créateur à sa créature, Dieu et l’âme humaine, puis à parcourir les degrés de cet amour jusqu’à l’amour parfait. À la seconde question, « pourquoi et dans quelle mesure il faut aimer Dieu », Bernard répond : « La cause de notre amour de Dieu, c’est Dieu lui-même ; la mesure, c’est de l’aimer sans mesure. »
Puis, s’adressant plus largement à un public monastique, il ajoute une description des quatre degrés de l’amour (23-33) : au point de départ, l’homme s’aime lui-même pour lui-même, un amour appelé à s’étendre au prochain ; ensuite, l’homme aime Dieu pour soi, dans son intérêt ; en progressant dans la vie spirituelle, il éprouve la douceur de la présence divine et peut alors aimer Dieu pour Dieu. Exceptionnellement, dans des extases passagères, l’homme peut s’aimer lui-même pour Dieu, mais cette déification ne se manifestera pleinement que dans la vie céleste.
Bernard ajoute enfin au traité sa Lettre aux Frères de Chartreuse (34-40) écrite en 1124 ou 1125, dans laquelle il distingue trois manières d’aimer : celle de l’esclave, mue par la peur et caractérisée par l’absence de liberté ; celle du mercenaire, mue par l’intérêt et la convoitise ; et celle du fils, libre et gratuite.
Ce traité a exercé une grande influence dans la littérature mystique.
La Grâce et le Libre Arbitre
Le traité sur La Grâce et le libre arbitre est unique en son genre dans l’œuvre bernardine. Dans ce petit traité de théologie, qui s’inspire largement d’Augustin, mais aussi d’Anselme de Cantorbéry, Bernard aborde avec une grande maîtrise le délicat sujet de la liberté de l’homme, du péché originel et de la grâce. Publié vers 1128 et n’ayant fait l’objet que d’une seule rédaction, il compte parmi les premiers ouvrages de son auteur et influencera toute son œuvre ultérieure.
Le traité s’organise sur un schéma en symétrie concentrique, autour de la figure du Christ, restaurateur de la liberté, qui est en son centre (§ 26) ; mais il est surtout structuré par les trois éléments constitutifs de la liberté : vouloir, savoir et pouvoir. Dans la liberté de nature, l’homme possède le libre arbitre dans lequel jouent raison et volonté : c’est lui qui est l’image de Dieu, ce point étant une originalité majeure de Bernard par rapport à Augustin. Le libre arbitre, qui n’est affranchi ni du péché, ni de la souffrance et de la mort, mais seulement de la nécessité, n’a qu’un rôle pour le salut : consentir volontairement à être sauvé. Au-dessus de lui existent deux autres libertés spirituelles, qui expriment non plus l’image, mais la ressemblance à Dieu : la liberté de grâce, affranchie du péché, est le fruit du consentement volontaire et fait jouer ce que Bernard appelle le « libre conseil », judicieux en matière de salut car l’homme sait ce qui est bon ; la liberté de gloire enfin, affranchie aussi de la souffrance et de la mort, est eschatologique et fait jouer le « libre bon plaisir », où l’homme peut jouir de Dieu dans l’exercice de sa liberté.
L’édition SC, comme dans toute la série bernardine, reprend celle des Sancti Bernardi Opera avec quelques corrections (p. 234).
Extrait(s)
L’Amour de Dieu 28, p. 131 : la déification
Toutefois, puisque l’Écriture dit que dieu a tout fait pour lui-même, il arrivera assurément qu’un jour l’œuvre se conforme à son auteur et s’accorde à lui. Il faut donc qu’un jour ou l’autre nous entrions dans son sentiment : comme Dieu a voulu que tout existât pour lui, ainsi faut-il que, nous aussi, nous voulions que ni nous-mêmes ni rien au monde n’ait existé ou n’existe que pour lui, c’est-à-dire pour sa seule volonté, non pour notre plaisir. Notre joie ne sera pas tant d’apaiser nos besoins ni d’assurer notre bonheur que de voir l’accomplissement de sa volonté en nous et par nous. C’est ce que nous demandons chaque jour dans la prière quand nous disons : Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. ô amour saint et chaste ! ô attachement d’exquise douceur ! ô intention qui se veut pure et clarifiée, d’autant plus clarifiée et pure qu’il ne s’y mêle plus rien qui nous soit propre ; d’autant plus exquise et douce que tout ce qu’on ressent est divin ! Être ainsi touché, c’est être déifié. De même qu’une petite goutte d’eau versée dans beaucoup de vin semble s’y perdre totalement en prenant le goût et la couleur du vin ; de même que le fer plongé dans le feu devient incandescent et se confond avec le feu, dépouillé de la forme antérieure qui lui était propre ; et de même que l’air inondé de la lumière du soleil se transforme lui-même en clarté, si bien qu’on le croirait être la lumière plutôt qu’être illuminé, ainsi sera-t-il nécessaire que chez les saints tout attachement humain se liquéfie d’une façon indicible, et se déverse totalement dans la volonté de Dieu. Sinon, comment Dieu sera-t-il tout en tous, s’il reste dans l’homme quelque chose de l’homme ?
La Grâce et le libre arbitre 28, p. 305 : le libre arbitre, lieu de l’image de Dieu
Or, je pense que, dans ces trois libertés, est contenue l’image et ressemblance du Créateur selon laquelle nous avons été créés : l’image est imprimée dans la liberté de l’arbitre ; une certaine ressemblance sur deux points, dans les deux autres libertés. C’est pour cela peut-être que le libre arbitre est le seul à ne souffrir aucune absence ni diminution, parce qu’en lui, par excellence, une certaine image substantielle de l’éternelle et immuable divinité paraît empreinte. En effet, même s’il a eu un commencement, il ne connaît pas de couchant. Ni de la justice, ni de la gloire, il ne reçoit d’accroissement ; ni du péché, ni de la misère, d’amoindrissement. Qu’y a-t-il de plus semblable à l’éternité, sans être l’éternité ?
Errata
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Remarques
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