• SC 379

    Athénagore

    Supplique au sujet des chrétiens et Sur la Résurrection des morts

    mai 1992

    Introduction, texte et traduction par Bernard Pouderon.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres.
    ISBN : 9782204044479
    360 pages
    En 176 ou 177, un philosophe platonicien devenu chrétien défend la foi devant deux empereurs.

    Présentation

    Remplace : SC 3 – Athénagore, Supplique au sujet des chrétiens

    Sous le nom d’Athénagore, apologiste chrétien du IIe siècle, « philosophe athénien » et peut-être l’un des premiers docteurs de l’Église d’Alexandrie, nous sont parvenus deux ouvrages. Le premier, la Supplique au sujet des chrétiens, adressée à l’empereur Marc-Aurèle et, à travers lui, à l’ensemble du monde païen, réfute successivement les accusations d’athéisme, d’inceste et de cannibalisme qui étaient alors lancées contre les chrétiens ; son auteur y présente la foi nouvelle sous l’aspect d’une doctrine certes inspirée, mais tout à fait conforme aux exigences de la raison, et dans la tradition du monothéisme philosophique. Quant au traité Sur la résurrection, dont l’authenticité a été, semble-t-il, injustement contestée, il défend avec les procédés de la rhétorique et les arguments de la science l’interprétation la plus littérale du dogme de la résurrection, la restitution de la chair dans son intégralité primitive.

    Agrégé de l'Université, docteur ès Lettres, Bernard Pouderon est maître de conférences à l'Université de Tours (grec ancien). Spécialiste du IIe siècle chrétien, il a publié chez Beauchesne un ouvrage de synthèse sur l'apologiste athénien : Athénagore d'Athènes, philosophe chrétien (Paris 1989), qui a été couronné par l'Académie des sciences morales et politiques (prix Victor Cousin) et la Société des études grecques (prix Théodore Reinach).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Sur la résurrection des morts

    On attribue aussi à Athénagore, bien que la paternité lui en soit contestée par certains critiques, un traité Sur la résurrection des morts. Dans ce discours probablement destiné à la lecture publique, l’auteur développe une double argumentation : il réfute d’abord les objections faites à la croyance en la résurrection des morts, provenant de milieux païens – c’est là une cible favorite de la polémique antichrétienne –, aussi bien que de certains milieux gnostiques ; puis défend, à l’aide de procédés rhétoriques et d’arguments scientifiques, l’interprétation la plus littérale du dogme de la résurrection : la restitution de la chair dans son intégralité primitive.

    Supplique au sujet des chrétiens (2e édition)

    Œuvre de circonstance, sans doute liée au climat de persécution qui règne à cette époque, l’apologie d’Athénagore adopte la forme du « discours d’ambassade », mais à la différence de la Legatio ad Caium de Philon d’Alexandrie, on a affaire ici à une simple fiction littéraire. Elle se présente successivement comme une requête aux empereurs (demandant l’arrêt des persécutions et le rétablissement d’une politique de relative tolérance), et comme une apologie (réfutation des accusations d’athéisme, d’anthropophagie et d’inceste contre les chrétiens), doublée d’un exposé de la théologie et de la morale chrétiennes, qui s’accompagne d’attaques vigoureuses contre le polythéisme et certaines doctrines philosophiques.

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Sur la résurrection des morts

    Athénagore est un des grands apologètes du IIe siècle, bien qu’il soit largement ignoré des auteurs anciens postérieurs à lui, en particulier Eusèbe et Jérôme. Outre la Supplique au sujet des chrétiens, il a écrit peu après (entre 275 et 280) un autre traité, Sur la résurrection des morts, probablement l’un des tout premiers à paraître sous ce titre. L’écrivain Méthode d’Olympe le cite vers la fin du IIIe siècle. Ce traité d’Athénagore a un objet plus précis que sa Supplique : réfuter les critiques faites à la doctrine chrétienne de la résurrection. Il ne s’adresse pas aux empereurs, mais à un public savant. Athénagore s’attaque, non seulement aux païens, mais aussi aux gnostiques. L’authenticité du traité a été contestée, mais elle reste largement admise.

    Une trentaine de manuscrits nous ont transmis le texte des deux traités d’Athénagore, la Supplique et Sur la résurrection des morts (la plupart du temps ensemble) ; certains manuscrits sont aujourd’hui perdus. Le plus ancien est l’actuel Parisinus graecus 451 ou codex d’Aréthas, copié en 914, dont tous les autres dépendent.

     

    Première partie. La résurrection fait beaucoup de sceptiques. Réfutation de leurs arguments. Dieu ne pourrait pas ressusciter des corps ? Il les a bien créés ! Il sera capable, dans tous les cas, de rassembler les éléments d’un corps, même s’ils sont dispersés ou ont été ingérés par un autre corps. Exposé sur la façon dont on assimile la nourriture. La résurrection des corps n’est pas indigne de l’œuvre de Dieu. Transition pour annoncer la deuxième partie : démontrer la vérité de la doctrine de la résurrection.

    Deuxième partie. Raisons de croire à la résurrection. Dieu n’a pas créé l’être humain pour qu’il périsse. L’ensemble corps-âme n’a pas vocation à être dissous, c’est l’ensemble des deux qui reçoit les dons de Dieu ; c’est l’identité de la nature humaine, corps et âme, et sa continuité qui exigent la résurrection des corps. L’idée du jugement final de chaque individu suppose elle aussi la permanence de la vie, et de la vie de l’ensemble corps-âme et pas seulement la survie de l’âme : c’est cet ensemble des deux qui reçoit les commandements de Dieu, qui transgresse, qui doit rendre des comptes. La fin naturelle de l’être humain est bien l’union d’une âme particulière et d’un corps particulier, fin qui suppose que chaque corps retrouve son âme propre.

    Supplique au sujet des chrétiens

    La Supplique au sujet des chrétiens est l’une des grandes apologies grecques du christianisme écrites au IIe siècle, après celles d’Aristide, Justin et Tatien, et à la même époque que celle de Théophile d’Antioche. Son nom et son œuvre sont pourtant largement ignorés des auteurs anciens postérieurs à lui, en particulier Eusèbe et Jérôme. L’écrivain Méthode d’Olympe le cite vers la fin du IIIe siècle. Athénagore se présente comme philosophe chrétien ; il est d’Athènes selon les manuscrits. Sa Supplique, écrite peu après 175, est adressée aux empereurs Marc Aurèle et Commode, et se donne le double but de mettre fin aux persécutions contre les chrétiens, en assurant à ceux-ci la protection impériale, et de récuser toutes les accusations qui couraient contre eux, en expliquant la foi des chrétiens et leur morale tout en attaquant le paganisme.

    Une trentaine de manuscrits nous ont transmis le texte des deux traités d’Athénagore, la Supplique et Sur la résurrection des morts (la plupart du temps ensemble) ; certains manuscrits sont aujourd’hui perdus. Le plus ancien est l’actuel Parisinus graecus 451 ou codex d’Aréthas, copié en 914, dont tous les autres dépendent ; mais ces derniers peuvent contenir des conjectures de copistes utiles étant donné l’assez mauvais état du manuscrit d’Aréthas pour la Supplique.

     

    Première partie : Critique du paganisme. Appel à la justice de l’empereur contre des accusations calomnieuses ; les chrétiens ne sont pas des athées ; ils croient en un Dieu unique ; démonstration de l’unité de Dieu ; croyance et mœurs des chrétiens ; inutilité des sacrifices païens ; les dieux païens n’existent pas, ils ne sont que des inventions humaines. Réfutation d’arguments païens : non, on ne peut pas distinguer les dieux des idoles matérielles qui les représentent ; les dieux païens ne sont pas des allégories du monde ; les idoles, même efficaces, ne sont pas des dieux mais des démons malfaisants. Exposé de la théorie evhémériste : les dieux sont d’anciens humains divinisés à tort.

    Deuxième partie : Comment vivent les chrétiens. Calomnies des païens. Les chrétiens pensent sans cesse au jugement final de Dieu. Réfutation d’accusations : les chrétiens ne pratiquent pas l’inceste, ils sont chastes, ont une pratique exigeante du mariage ; ce sont les païens qui méritent les accusations. Les chrétiens ne sont pas anthropophages ; ils n’assistent même pas aux spectacles où l’on met à mort des gens ; ils croient en la résurrection des morts. Athénagore demande la bienveillance des empereurs en priant pour leur prospérité.

    Extrait(s)

     Résurrection XV, 2 (SC 379, p. 273-275)

    Si la nature de l’être humain est un ensemble formé d’une âme immortelle et d’un corps qui lui a été joint à la naissance, et que Dieu ait attribué une telle naissance ou une telle existence et tout le cours de la vie non pas à la nature de l’âme seule, ni à la nature du corps prise séparément, mais à ce composé des deux que sont les humains, pour qu’après avoir passé leur existence dans cette union qui leur a permis de naître et de vivre, ils en viennent à une fin qui leur soit unique et commune, alors, puisqu’il s’agit dans tous les cas d’un être vivant unique composé de deux parties, qu’il est sujet à toutes les passions de l’âme et du corps, qu’il met en œuvre et réalise tout ce qui réclame un jugement des sens ou de la raison, cet assemblage se rapporte nécessairement tout entier à une fin unique, pour que tout concoure toujours à une seule harmonie et à un même accord : la naissance de l’être humain, sa nature, son existence, ses actions et passions, sa vie et le terme final conforme à sa nature.

    Supplique 4

    Absurdité de l'accusation d'athéisme

    Quant à notre prétendu athéisme – pour répondre successive- ment à chacun des griefs qu’on nous fait –, peut-être même est-il ridicule d’en réfuter la charge. En effet, si c’est à juste titre que les Athéniens accusèrent Diagoras d’athéisme, non seule- ment parce qu’il avait révélé au public la doctrine orphique, divulgué les mystères d’Éleusis et ceux des Cabires, et mis en pièces la statue de bois d’Héraclès pour faire cuire ses raves, mais aussi parce qu’il déclarait ouvertement qu’il n’existait pas de dieu du tout, à nous, qui distinguons Dieu de la matière, qui montrons que la matière est une chose, et Dieu une autre, et qu’il y a loin de l’un à l’autre – puisque la divinité est incréée, éternelle, accessible seulement à l’intelligence et à la raison, tandis que la matière est créée et corruptible –, n’est-il pas absurde d’appliquer le nom d’athées ?

    Supplique 11, 3-4 (SC 379, p. 105-107)

    Parmi ces gens qui analysent les syllogismes, qui résolvent les équivoques, qui éclairent les étymologies ou enseignent les homonymes et les synonymes, les prédicats et les axiomes, ce que sont le sujet et l’attribut, et qui se font fort avec de telles leçons de causer le bonheur de leurs disciples, quels sont ceux qui ont l’âme assez purifiée  pour aimer leurs ennemis plutôt que de les haïr, pour bénir ceux qui ont pris l’initiative de les injurier plutôt que de les apostropher méchamment, ce qui serait pourtant une attitude très modérée, et pour prier en faveur de ceux qui complotent contre leur vie ? (…) Vous pourrez trouver chez nous de simples particuliers, des artisans, des vieilles femmes qui, s’ils sont incapables d’établir par un raisonnement l’intérêt de notre doctrine, affichent dans leurs actes la valeur de nos principes ; car s’ils ne répètent pas des formules, du moins affichent-ils une conduite vertueuse, en ne répondant pas à ceux qui les frappent, en ne poursuivant pas en justice ceux qui les pillent, en donnant à ceux qui leur demandent et en aimant leur prochain comme leur propre personne.

    Supplique 35

    Absurdité de l'accusation d'anthropophagie

    Et quelle personne raisonnable pourrait prétendre qu’avec de tels principes, nous puissions être des assassins ? Car l’on ne peut pas se nourrir de chair humaine sans avoir auparavant tué quelqu’un ! Alors, s’ils mentent dans un cas, ils mentent aussi dans l’autre ; et si on leur demande s’ils ont vu ce dont ils par- lent, il n’en est pas un seul qui ait assez d’impudence pour dire qu’il l’a bien vu. Nous avons cependant nous aussi des esclaves, certains en grand nombre, d’autres en nombre moindre, de qui nous ne pouvons nous cacher ; mais aucun d’entre eux n’est allé jusqu’à fabriquer contre nous de pareils mensonges. Car ceux qu’on sait même incapables de supporter le spectacle d’une exécution, fût-elle juste, qui pourrait les accuser de meurtre ou d’anthropophagie ? Et qui n’en prend pas moins plaisir aux combats de gladiateurs et de fauves, surtout à ceux que vous donnez ?

    Mais nous, nous estimons que la vue d’un meurtre se rap- proche de l’homicide, et nous avons interdit de pareils spectacles : comment donc, si nous en refusons même la vue pour ne contracter ni tache, ni souillure, pouvons-nous commettre des meurtres ? Et puisque nous affirmons que celles qui recourent à des moyens abortifs commettent un meurtre et qu’elles rendront compte de leurs avortements devant Dieu, comment se pourrait-il que nous commettions des meurtres ? Car il serait incohérent de penser que le fœtus est un être vivant et que pour cette raison Dieu a soin de lui, et de tuer l’individu déjà avancé dans la vie ; de refuser l’exposition des nouveau-nés en l’assimilant à l’infanticide, et en revanche, de leur ôter la vie une fois qu’ils ont grandi ; mais nous sommes dans tous les cas totalement cohérents et en accord avec nous-mêmes, et nous nous soumettons à la raison, plutôt que de lui commander.

     

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    CANTOBÉRY

    CANTORBÉRY

     

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