• SC 35

    Tertullien

    Traité du baptême

    décembre 1952

    Introduction, texte critique et notes par R.P. François Refoulé, o.p. — Traduction en collaboration avec Maurice Drouzy, o.p.

    Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique.
    Réimpression de la première édition revue et corrigée (2002, 2011)
    ISBN : 9782204070164
    108 pages
    Indisponible chez notre éditeur
    Pas nécessaire, le baptême ? Magistrale réponse du théologien carthaginois.

    Présentation

    Le De baptismo est le premier « traité du baptême » conservé. Tertullien l'écrivit vers 200-206 pour répondre aux entreprises d'une femme hérétique, sans doute de la secte gnostique des « Caïniens », qui considéraient le baptême comme inutile.

    Cette « louange de l'eau », où le rhéteur converti donne la mesure de sa virtuosité, s'appuie sur la pratique liturgique et catéchétique des communautés du temps. Le De baptismo présente le baptême chrétien comme renaissance et libération ; d'une manière encore tâtonnante, il s'interroge sur la portée spécifique du bain par rapport à l'onction et à l'imposition des mains, et pose le problème des relations entre foi et rite, grâce divine et signe sensible ; il soulève enfin, dans ses derniers chapitres, des questions d'ordre disciplinaire : quel est le ministre du baptême ? faut-il baptiser les petits enfants ? quelle est la valeur du baptême conféré hors de la communion catholique ?

    Il y a dans ces pages l'esquisse d'une théorie des sacrements et une vision ecclésiologique. De fait, en mentionnant l'invocation du Père, du Fils et de l'Esprit dans la formule sacramentelle, Tertullien définit l'Église comme « corps des Trois », présence de la Trinité.

    Le P. François Refoulé, o.p. (1922-1998), ancien directeur des Éditions du Cerf, a publié également aux Sources Chrétiennes le Traité de la prescription contre les hérétiques de Tertullien (SC 46).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Premier ouvrage de Tertullien à avoir été publié dans la Collection, en 1952, le Traité du baptême est aussi pour nous le premier traité conservé sur le sujet. L'édition qu'en a donnée le Père François Refoulé, ancien directeur des Éditions du Cerf, avec la collaboration d'un autre dominicain, pour la traduction, le Père M. Drouzy, était depuis longtemps épuisée. La réimpression de ce volume s'imposait et était attendue, même si, en 1976, la traduction de ce texte avait été reprise et quelque peu modifiée par les mêmes éditeurs, dans un volume de la collection Foi Vivante (n° 176) : Tertullien, Le Baptême. Le premier traité chrétien. Il est donc heureux que l'édition de Sources Chrétiennes, avec le texte original de Tertullien et tout l'appareil des notes, soit à nouveau disponible ; on y a joint, en fin de volume, une liste importante d'additions et de corrections, qui prend en compte les remarques de plusieurs comptes rendus importants.

    Comme beaucoup de traités du Carthaginois, celui-ci est un écrit de circonstance et de controverse, destiné à ruiner l'influence d'une secte gnostique qui rejetait le baptême. Il est pourtant beaucoup plus qu'un ouvrage polémique : Tertullien y élabore en fait une puissante réflexion théologique sur le baptême, profondément enracinée dans une lecture typologique de l'Écriture. Le baptême est présenté par lui à la fois comme une re-création, qu'il faut comprendre en référence au récit de la création dans la Genèse, et comme une libération, dont le livre de l'Exode propose la figure. Une insistance particulière est mise par Tertullien sur le symbolisme de l'eau, à travers de nombreux épisodes de l'Ancien Testament, depuis les origines où « l'esprit de Dieu était porté sur les eaux » (Gn 1, 1) en passant par la traversée de la Mer Rouge, l'eau saumâtre adoucie par le bâton de Moïse et l'eau du rocher auquel buvaient les Hébreux dans le désert, jusqu'aux nombreuses figures du baptême qu'offrent les Évangiles (le baptême du Christ dans le Jourdain, Cana, la guérison du paralytique à la piscine de Bethsaïde, la rencontre avec la Samaritaine, le lavement des pieds, l'eau jaillissant du côté transpercé du Christ, etc.). Outre ces différentes figures du baptême recensées par Tertullien, son traité nous fournit aussi de précieux renseignements sur l'initiation chrétienne, le catéchuménat, et la liturgie baptismale au début du IIIe siècle : la renonciation à Satan, l'immersion, la profession de foi, l'onction, l'imposition des mains. Plusieurs autres questions sont encore abordées par Tertullien, relatives au baptême conféré par les hérétiques, aux ministres du baptême, au baptême des petits enfants, qu'il est d'avis de « différer, surtout quand il s'agit de tout jeunes enfants » jusqu'au moment où « ils seront en âge d'être instruits ».

    Le traité de Tertullien exercera une influence profonde et durable : les figures baptismales qu'il a su dégager de sa lecture de la Bible, dans le style vigoureux qui est le sien, ont souvent été retenues dans notre liturgie. L'ouvrage n'a du reste rien perdu de son intérêt et de sa fraîcheur pour le lecteur d'aujourd'hui. Le baptême, c'est pour Tertullien, l'eau de la vie, celle hors de laquelle un chrétien ne saurait vivre : « Nous, petits poissons, qui tenons notre nom de notre ΙΧΦΥΣ (le mot « poisson » en grec a servi d'acrostiche signifiant « Jésus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur ») Jésus-Christ, nous naissons dans l'eau et ce n'est qu'en demeurant en elle que nous sommes sauvés. (...) Le meilleur moyen de faire mourir ces petits poissons : les sortir de l'eau » (Baptême I, 3).

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    De baptismo

    Le Traité du baptême est de datation difficile. Les chercheurs s’accordent pour le situer lors de la période catholique de Tertullien, entre 200 et 206. Il pourrait s’agir du plus ancien document parlant du baptême de manière systématique. À ce titre, il a eu une influence considérable. Il a été composé après l’arrivée à Carthage d’une prédicatrice caïnite – du nom de la secte qui affirmait d’une manière extrême le dualisme entre l’âme et le corps, et se revendiquait notamment de Caïn, qu’elle associait à Judas. Contrairement à Marcion, les Caïnites rejetaient le baptême et, selon Tertullien, commençaient à prendre de l’ascendant sur les chrétiens les moins formés de la communauté de Carthage. C’est pour contrer cette influence qu’il rédigea ce traité. Le plan parfois imprécis du traité et le style fougueux semblent témoigner de cette composition de circonstance.

    Il n’y a qu’un seul manuscrit du De baptismo conservé aujourd’hui, le codex Trecensis, manuscrit du XIIIe siècle, découvert en 1916 par dom Wilmart dans la bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux. Deux autres manuscrits sont néanmoins connus par des éditions du XVIe siècle. L’editio princeps de 1545, publiée à Paris, reproduit un manuscrit probablement apparenté au codex Agobardinus (Lat. 1622), du IXe siècle, conservé à la BNF, qui ne contient pas le De baptismo. Une édition publiée à Bâle en 1550 s’appuie, selon son éditeur Gelenius, sur un codex Masburensis (de Malmesbury) et contient des gloses marginales proches du codex Trecensis. L’édition critique donnée par le présent volume prend comme base le texte du codex Trecensis.

     

    Après une introduction consacrée aux circonstances de la rédaction du traité, Tertullien répond à la première objection faite au baptême chrétien, celle de la naissance nouvelle dans l’eau. Le polémiste développe donc le rôle de l’eau dans la Bible, lors de la Création, de l’Exode, ainsi que son lien avec l’Esprit Saint, puis la présence de l’eau dans la piscine de Bethsaïde. Il enchaîne avec un développement sur le caractère éminemment trinitaire du baptême : l’Esprit Saint ne saurait être absent d’un baptême dans l’eau. Cela lui permet de parler des gestes accompagnant le baptême, l’onction d’huile et l’imposition des mains. Comme la plongée dans l’eau, ceux-ci ont été préfigurés dans la Bible. Mais le baptême dans l’eau donné par Jean, celui qu’a reçu le Christ, n’était pas accompli tant que le Christ n’avait pas fondé l’efficacité du baptême dans l’esprit par sa Passion et sa résurrection. Ici intervient une autre objection des hérétiques : le baptême dans l’Esprit ne pourrait-il pas suffire, puisque les apôtres n’ont pas tous été baptisés dans l’eau ? Tertullien répond en invoquant le privilège reçu par les Douze d’avoir été appelés par le Christ lui-même lors de sa prédication, et rappelle le commandement laissé par le Christ à ses disciples juste avant son ascension, dans la finale de l’évangile de Matthieu. Le développement du Carthaginois fait aussi une place au baptême de sang, le martyre, qui remplace le baptême dans l’eau si le martyr ne l’a pas reçu et le restaure si celui-ci s’en est montré indigne. Il conclut son exposé en présentant les règles « pour donner et recevoir le baptême ». C’est l’occasion pour lui de revenir sur la fonction de ministre du baptême, que les laïcs peuvent remplir. Concernant les candidats au baptême, Tertullien recommande le discernement sur les demandes reçues, et, pour cette raison, ne conseille pas de baptiser à tout prix les enfants. Il expose enfin le déroulement du rituel du baptême, le jour de Pâques, et se recommande aux prières de ses lecteurs.

    Extrait(s)

    (XIII, 2-3, p. 85-87)

    Autrefois, avant la passion et la résurrection du Seigneur, le sa  lut était obtenu par la foi seule ; mais depuis que pour les croyants la nativité, la passion et la résurrection sont devenus objets de foi, le sacrement lui aussi s’est amplifié : le sceau du baptême fut ajouté, sorte de vêtement pour la foi qui auparavant était nue et qui maintenant n’a plus de pouvoir sans la loi qui lui est jointe. En effet, la loi du baptême a ainsi été établie et sa formule prescrite : Allez, enseignez les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. À cette loi s’ajoute la décision suivante : Personne, à moins de naître de nouveau de l’eau et de l’Esprit Saint, n’entrera dans le royaume des Cieux.

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