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SC 297
Pères de Lérins
Les Règles des saints Pères, tome I
Trois règles de Lérins au Ve sièclejanvier 1982Introduction, texte, traduction et notes par Adalbert de Vogüé.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres.ISBN : 9782204019576401 pagesIndisponible chez notre éditeurAux origines du monachisme occidental, notamment de Lérins, « l'île des saints », entre 5e et 6e siècles.
Présentation
Il s’est écoulé plus d’un siècle entre les premières règles monastiques écrites ou traduites en latin autour de 400 (celles d’Augustin et de Basile) et les législations datées du VIe siècle (celle de Césaire d’Arles, celle du Maître et celle de Benoît) ; c’est vers cette époque qu’il faut situer les quelques règles, très brèves et visiblement anciennes, présentées dans cette édition. Ces six textes, élaborés à Lérins, offrent un intérêt exceptionnel, car ils nous font assister à la naissance et au développement d’une communauté type aux premiers temps du monachisme latin.
Outre l’introduction générale, le présent volume comporte les trois premières règles de Lérins : la Règle des Quatre Pètres (Sérapion, Macaire, Paphnuce et l’autre Macaire), où le vertu dominante est non pas l’obéissance, mais la charité, ainsi que la Seconde Règle des Pères et la Règle de Macaire.Moine de la Pierre-qui-Vire et historien du monachisme antique, Adalbert de Vogüé (1924-2011) a édité de nombreux volumes des Sources Chrétiennes, en particulier La Règle de saint Benoît (1971-1977).
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Des rapports étroits de fond et de forme unissent les six écrits réunis dans ces deux volumes en une véritable famille littéraire, jalonnant un grand chapitre de l’histoire monastique. En effet, il s’agit d’une série de règles écrites à Lérins (Règle des Quatre Pères, Seconde Règle des Pères, Règle de Macaire) ou incorporant des textes lériniens (Règle Orientale, Troisième Règle des Pères, recension ∏ des Quatre Pères). Elles font le lien entre les grandes règles originelles, écrites ou traduites en latin vers 400 – celles d'Augustin, de Basile, de Pachôme –, et les premières œuvres du vie siècle (règles de Césaire, du Maître, de Benoît), éclairant les débuts du monachisme en Gaule.
Entre 400 et 410, au retour d’un voyage en Orient, Honorat, Gallo-romain de haute naissance, fonde un coenobium sur l’île de Lérins, pour lequel il rédige une charte de fondation, la Règle des Quatre Pères : il décrète la réunion de tous les frères, jusque-là dispersés, en une seule maison ; d’autre part, ils doivent se ranger sous l’autorité d’un chef unique et lui obéir comme au Seigneur. Le supérieur devra donner l’exemple, gouverner avec un mélange de fermeté, de bonté et d’équité, présider la prière commune, éprouver les vocations et former les postulants, recevoir les hôtes et les édifier, désigner le responsable du travail commun, veiller sur les santés sans tolérer l’oisiveté, organiser les tours de service, autoriser, s’il le juge bon, le transfert d’un sujet dans un autre monastère. L’Observance, est caractérisée par un jeûne quotidien jusqu’à none, chômage complet du dimanche, horaire bipartite des jours de semaine avec trois heures de loisir spirituel au début de la matinée et six heures de travail ensuite. L’obéissance, non la charité, est la vertu dominante dans cette première règle de Lérins.
Vers 427, Maxime, futur évêque de Riez, succède à Honorat parti pour l’évêché d’Arles. La Seconde Règle des Pères met davantage l’accent sur la charité entre les membres de la communauté, s’inspirant de l’Ordo monasterii et du Praeceptum augustiniens ; elle insiste sur le silence et sur l’office, et détaille une série de sanctions (contre les retardataires, ceux qui murmurent au travail, etc.). Sous le supériorat de Maxime, une floraison d’œuvres littéraires éclôt chez les Lériniens (Eucher, Hilaire, Vincent). Sous l’évêque Ravennius, un concile se réunit en Arles pour dirimer la querelle de juridiction qui oppose Fauste, abbé de Lérins, et Théodore, évêque de Fréjus. L’abbé a pleine et exclusive autorité sur l’élément laïc, les clercs seuls relevant de l'évêque. En 477, avec l’arrivée des Wisigoths d’Euric, Lérins, qui avait vécu sous la loi romaine, appartiendra désormais aux états barbares, royaumes des Wisigoths jusqu’en 507, des Ostrogoths jusqu’en 536, et enfin des Francs.
En 490 ou 491, Césaire d’Arles est reçu par l’abbé Porcaire. Vers 506-510, l’abbé Jean de Réomé, venu de Langres, rapportera de son séjour à Lérins une règle, la Règle de Macaire (dont Porcaire est l’auteur probable), qui met l’accent sur l’édification spirituelle ; la figure du supérieur y est estompée au profit de l’amour mutuel, dans un esprit qui doit plus à Jérôme qu’à Augustin (en Provence, le courant anti-augustinien ou « semi-pélagien » domine alors).
La Règle Orientale est une compilation de textes pachômiens et de textes extraits d’un document, attribuable à l’abbé Marin, qui utilise librement la Seconde Règle des Pères. Elle aurait été destiné au coenobium d’Agaune. Toutefois, il s’agit d’un texte informatif plus que normatif.
La Troisième Règle des Pères est une série de canons pour les moines, décrétés par un synode épiscopal. Elle dépend de la Règle de Macaire, avec des emprunts aux grands conciles gaulois des premières décennies du vie siècle : Agde (506), Orléans I et II (511 et 533). Il est vraisemblable que c’est l’œuvre du concile d'Auvergne tenu en 535 à Clermont. Elle présente, dans ses trois premières sections, les trois renoncements qui formeront, un demi-millénaire plus tard, la triade des « vœux de religion » : pauvreté, chasteté, obéissance.
Ces Règles sont apparentées ; l’ordre des pièces est le suivant : d’abord les Quatre Pères, puis la Seconde Règle des Pères qui en dépend, ensuite les deux filles de celle-ci, l’Orientale et la Règle de Macaire, enfin le rejeton de cette dernière, la Troisième Règle des Pères.
Pour les Quatre Pères, la tradition manuscrite se divise en quatre branches, dont deux sont italiennes, une germanique et la dernière gallo-franque. De plus, il faut tenir compte d’un cinquième texte, italien lui aussi. Les textes donnés sont de longueur très variable ; de plus, ils diffèrent par le nombre de leurs variantes originales. La Règle des Quatre Pères passera sous forme de recension dans le Codex regularum de Benoît d’Aniane ; en Italie du Sud, elle sera récrite (recension ∏) pour servir d’introduction à la Règle du Maître.
La Seconde Règle des Pères est toujours précédée de celle des Quatre Pères. Elle est attribuée par Gennade, dans son De uiris inlustribus, à un diacre Vigile. Elle n’est complète que dans trois manuscrits anciens, dont deux sont étroitement apparentés (les mss carolingiens de Tours (T) et de Trèves (A), ce dernier reproduisant le Codex regularum de Benoît d’Aniane), tandis que le troisième donne un texte assez différent (le premier cahier du Parisinus latin 12634, témoin plus ancien, vers 650 et originaire d’Italie méridionale). Il faut ajouter le texte de la Concordia Regularum du même Benoît d’Aniane, et ceux de Macaire et de l’Orientale, ces deux règles dérivées, qui datent d'environ 500-515.
La Règle de Macaire a pour source la Seconde Règle. On dispose de 8 manuscrits répartis en 3 groupes (2 mss germaniques, 2 représentants anciens originaires de la France du Nord, la 3e famille comprend le Codex regularum de Benoît d’Aniane). Le texte s’est donc diffusé anciennement dans trois directions : Germanie, Gaule et Espagne.
Extrait(s)
Règle des Quatre Pères, 2, 36-42, t. I, p. 193
36Comment les étrangers recevront l’hospitalité. 37À leur arrivée, ils ne seront abordés par nul autre que celui qui est chargé de répondre à l’arrivant. 38On ne pourra prier et offrir le baiser de paix avant que le supérieur ne l’ait vu. 39Une fois qu’on aura prié ensemble, la salutation du baiser de paix suivra à son tour. 40Personne ne pourra parler avec l’arrivant, sinon le supérieur seul et ceux qu’il voudra. 41S’ils arrivent pour le repas, le frère étranger ne pourra manger avec les frères, mais seulement avec le supérieur, qui saura l’édifier. 42Personne ne pourra parler, et l’on n’entendra pas une parole en dehors de celle de Dieu, tirée du texte scripturaire, et de celle du supérieur ou de ceux auxquels il commandera de parler, pour qu’on tienne des propos qui conviennent au sujet de Dieu.
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