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SC 284
Grégoire de Nazianze
Discours 24-26
décembre 1981Introduction, texte critique, traduction et notes par Justin Mossay, avec la collaboration de Guy Lafontaine.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres.ISBN : 9782204018067313 pagesIndisponible chez notre éditeurLe martyre et la philosophie : beau menu pour ces 3 discours du « Démosthène chrétien ».
Présentation
Le martyre et la philosophie : beau menu pour ces trois discours du « Démosthène chrétien », prononcés à Constantinople en 379 et 380. Curieusement, c’est de l’histoire de deux méprises que naissent ces monuments d’éloquence. Dans le Discours 24, le Nazianzène prononce l’éloge de Cyprien de Carthage, martyr en 258, en en faisant un soupirant malheureux et un magicien ! Il lui prête en réalité le passé d’un autre Cyprien, celui d’Antioche de Pisidie, mort en martyr en 304 et alors mieux connu en Orient. Dans le Discours 25, il compose le panégyrique de Maxime, ou Héron, qu’il a recueilli alors que ce dernier avait été chassé d’Alexandrie par un évêque arien : en celui qui a choisi le manteau de philosophe chrétien et le mode de vie radical qui était autrefois celui des cyniques, il voit un modèle pour les fidèles. Or ce Maxime s’est avéré être un intriguant qui a en vain tenté d’usurper le siège épiscopal de Grégoire à la faveur d’une de ses absences ! À son retour, le Théologien tire dans le Discours 26 les leçons de cette épreuve, qu’il surmonte grâce à la vraie philosophie.
Le P. Justin Mossay (1920-2012), spécialiste de la tradition manuscrite du Nazianzène, a été Professeur à l’Institut orientaliste de l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, de même que Guy Lafontaine (1938-2004), éditeur en 1973 de La version grecque ancienne du livre arménien d’Agathange.
Le mot des Sources Chrétiennes
Probablement prononcé en 379, la première année de son séjour à Constantinople, le panégyrique de saint Cyprien (Discours 24) a ceci de particulier qu’il confond Cyprien de Carthage, martyr sous Valérien en 258, avec un Cyprien d’Antioche de Pisidie, martyr en 304, sous Dioclétien et Maximien, mieux connu en Orient au IVe siècle que l’évêque de Carthage. Les Discours 25 et 26 ont pour objet la philosophie ; le premier est une sorte de panégyrique du philosophe et de la philosophie, à travers la personne d’un cynique chrétien en qui la tradition a reconnu le philosophe Héron-Maxime, un intrigant accueilli sans prudence par Grégoire, dont la déconvenue sera grande (cf. Poème sur sa vie II, 1, 11) ; le second, prononcé à son retour à Constantinople après une brève absence, envisage la « philosophie », c’est-à-dire l’art de vivre chrétiennement, non plus d’un point de vue théorique et spéculatif comme le faisait le Discours 25, mais sous l’angle moral et ascétique. À l’éloge du philosophe cynique répond maintenant celui du philosophe chrétien : à la conduite du cynique, devenu pasteur, pour « déchirer », à la manière des « chiens » dont la secte emprunte le nom, Grégoire oppose celle du véritable philosophe chrétien et entreprend de justifier sa propre conduite. Comme le précédent, le Discours 26 est à verser au dossier de « l’affaire Héron-Maxime » qui conserve pour nous une part d’obscurité.
Jean-Noël Guinot
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Discours 24-26
Les Discours de Grégoire le Théologien, modèle d’éloquence pour les Byzantins, sont transmis à travers plusieurs collections, dont une collection liturgique (dont fait partie le n°24) et des collections dites « complètes ». Le corpus, tel qu’édité aux tomes 35-36 de la Patrologie grecque, comprend 45 pièces. L’édition des Discours 24-26 aux Sources Chrétiennes est fondée sur un choix de 10 ou 11 manuscrits, du ixe au xie s., sans compter la traduction latine que Rufin a faite du n°26.
Le Discours 24, intitulé « En l’honneur de Cyprien », a été prononcé le 2 ou le 4 octobre 379. Après avoir salué le culte du saint et des martyrs, qui mène au premier martyr, le Christ, Grégoire loue la vertu de Cyprien et retrace ce qu’il croit savoir de sa vie, en particulier ses efforts, alors qu’il était sous l’emprise des démons, pour conquérir une femme ; son échec provoque sa conversion, après laquelle il subit la persécution impériale.
Le Discours 25, intitulé « Sur le philosophe Héron », a peut-être été prononcé au printemps 380. Le philosophe y est présenté comme le détenteur de la vraie noblesse et Maxime, en choisissant le christianisme parmi d’autres philosophies, allie le « manteau » philosophique et la vérité chrétienne. Adoptant la frugalité des cyniques, il montre sa vertu. Il est chassé d’Alexandrie alors que l’évêque, Lucius, est arien, et Grégoire loue alors son enseignement orthodoxe.
À la fois en contraste et en continuité avec le précédent, le Discours 26, intitulé « Deuxième Sermon sur lui-même » (le 1er est le n°10), a été prononcé fin 380. De retour auprès de ses fidèles, Grégoire dresse un bilan de l’affaire Maxime – épreuve comparable à une tempête – et un nouveau portrait du vrai philosophe, auquel il tente de s’identifier.
Extrait(s)
Le Discours 25 (§ 4-5, p. 167) brosse ainsi en « Héron » le portrait du parfait philosophe, en faisant la part belle à l’action par rapport à la contemplation :
« Le premier objet de sa philosophie est celui-ci : reconnaître, parmi les voies qui s’offrent à nous, celle qui est préférable et plus profitable pour lui-même aussi bien que pour tous les chrétiens. Car, il estimait qu’associer partout le bien général à son intérêt personnel était la marque d’une âme très parfaite et très philosophe. En effet, ce n’est pas chacun pour soi tout seul que nous sommes nés, mais chacun pour tous, nous, qui partageons tous la même nature, et avons la même origine et les mêmes destinées. Il voyait, d’une part, que la vie érémitique, solitaire, pratiquée à l’écart et isolée des masses, est grande, élevée et supérieure aux choses humaines ; mais qu’elle est, d’autre part, exclusivement réservée à ceux qui la pratiquent comme il faut, et qu’elle est en contradiction avec le caractère social et humanitaire de la charité, qui, il le savait, est au premier rang des choses à recommander ; de surcroît, elle est sans garanties, du fait qu’elle échappe et à l’exercice pratique et à la comparaison avec d’autres. Quant à la vie en groupe et en communauté, outre qu’elle passe au crible la vertu, elle présente l’avantage d’atteindre les masses et de se rapprocher d’un plan selon lequel Dieu fit et cimenta dans l’amour l’univers tout entier. »
Errata
Page Localisation Texte concerné Correction Remarques 49 § 5 l. 20 agréabble agréable
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