• SC 236

    Anonyme

    Rituel cathare

    octobre 1977
    ISBN : 9782204011624
    344 pages

    Du Notre Père au baptême dans l'Esprit, la liturgie des cathares au 13e siècle.

    Présentation

    S’il est un mouvement religieux, au Moyen Âge, qui ne cesse de susciter curiosité et fascination, c’est bien celui des cathares, considérés aujourd’hui avec la sympathie souvent ressentie pour les vaincus et les persécutés. Mais les sources directes émanant de ce milieu ne sont pas si nombreuses, d’où l’intérêt de ce texte retrouvé, tronqué de son commencement, dans un manuscrit de Florence et qui serait l’un des plus anciens puisqu’il est l’œuvre d’un « parfait » anonyme remontant sans doute au début du XIIIe siècle. Cela nous vaut de pouvoir lire un commentaire cathare du Notre Père, et une description d’un rituel d’entrée dans la communauté, où transparaît le désir de revenir aux pratiques de l’église primitive par-delà des siècles de tradition : ainsi pour le pardon des péchés, ainsi pour la conviction très forte que la nourriture spirituelle la plus essentielle est d’abord la méditation de la Parole et non l’accomplissement de rites.


    Voici le complément qu’on avait annoncé du Livre Cathare des deux principes, publié en 1973 par le même auteur (SC 198). Une édition critique et annotée du Rituel était nécessaire. Christine Thouzellier s’en est chargée : elle connaît parfaitement tout ce qui concerne les Cathares et l’histoire des hérésies au Moyen Âge.
    Le document est, dans le manuscrit de Florence, intégré au Liber de duobus principiis. D'un auteur inconnu, il a dû précéder la rédaction du Liber, et de beaucoup celle du Rituel provençal, auquel il faut le comparer. Privé des prières latines préliminaires, le Rituel commence à l’exhortation de l’officiant qui va transmettre la prière du Seigneur au postulant.
    Le premier problème qui se pose à propos de ce texte capital est assurément celui des éléments qui le constituent et de leurs origines. C. Thouzellier l’examine et envisage successivement la traditio du Pater et le Consolamentum. Elle compare les différentes parties de la traditio avec celles du rituel slavon et du recueil roman de Dublin. Ensuite elle étudie, dans le Consolamentum, l’imposition des mains et de l’Évangile, et confronte le rite cathare avec les traditions manichéennes, phoundagiagites et bogomiles.
    L’introduction comporte encore l’exposé des interprétations données par les hérésiologues de cette liturgie cathare : un certain nombre de leurs textes, difficilement accessibles, sont cités en appendice du volume. L’auteur montre aussi les rapports de ce rituel avec le rite de profession des moines orthodoxes. Planches et tableaux comparatifs facilitent au lecteur l’examen personnel des textes et leur étude comparative.
    Bref, on trouvera là, présenté avec tous les éclaircissements souhaitables, le document le plus caractéristique de la liturgie cathare.

    Christine Thouzellier, Directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Études, spécialiste des hérésies médiévales, et en particulier des courants cathares, a également édité dans la collection un traité cathare, le Livre des deux principes (SC 198).

    Le mot des Sources Chrétiennes

    Le document est, dans le manuscrit de Florence, intégré au Liber de duobus principiis. D’un auteur inconnu, il a dû précéder la rédaction du Liber, et de beaucoup celle du Rituel provençal, auquel il faut le comparer. Témoin le plus caractéristique de ce qu'on peut appeler la liturgie cathare, tronqué en son début, ce Rituel latin peut être complété grâce au Rituel provençal, conservé dans un manuscrit de Lyon, probable- ment postérieur. Privé des prières latines préliminaires, le Rituel commence pour nous, de manière abrupte, à l'exhortation de l'officiant qui va transmettre le Pater au postulant (commentaire de chaque demande) et à sa doxologie, qui devait être précédée, comme dans le Rituel provençal, d’un préambule liturgique ; aussitôt après la tradition du Pater, vient la description du deuxième acte de la liturgie cathare, le cérémonial du consolamentum : la réception par le postulant du baptême de l’Esprit, initiation à la Vie du Parfait ; ce baptême spirituel consiste en l’imposition des mains sur la tête du postulant, suivie de celle de l’Évangile. Toutefois, à la différence d’autres textes cathares qui dénient toute valeur au baptême d’eau, celui du Rituel ne manifeste aucune agressivité à l’égard de l’Église romaine (aucune abjuration demandée).

    Le premier problème qui se pose à propos de ce texte capital est assurément celui des éléments qui le constituent, la traditio du Pater et le Consolamentum, et de leurs origines. C. Thouzellier compare les différentes parties de la traditio avec celles du rituel slavon et du recueil roman de Dublin. Ensuite elle étudie, dans le Consolamentum, l'imposition des mains et de l'Évangile, et confronte le rite cathare avec les traditions manichéennes, phoundagiagites et bogomiles. L'introduction comporte encore l'exposé des interprétations données par les hérésiologues de cette liturgie cathare : un certain nombre de leurs textes, difficilement accessibles, sont cités en appendice du volume, L'auteur montre aussi les rapports de ce rituel avec le rite de profession des moines orthodoxes.

    Jean-Noël Guinot

    Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume

    Le même manuscrit florentin du XIIIe siècle qui a fourni le Livre des deux principes contient aussi un Rituel cathare en latin, peut-être écrit avant le Livre qu’il côtoie dans le manuscrit, car il reflète une attitude plus conciliante vis-à-vis de l’église romaine, alors que le Livre a durci les relations – à moins qu’il ne s’agisse d’une divergence régionale, le Livre étant lombard, l’auteur du Rituel d’origine provençale. Le texte peut dater du début du XIIIe siècle et serait antérieur au Rituel provençal connu par ailleurs, qui en est peut-être un abrégé, même s’il est plus complet, car le texte du Rituel latin est amputé de son commencement.

    Le texte décrit le rituel cathare du baptême spirituel, avec ses principales étapes que sont l’imposition des mains et la transmission de la Bible. Le début étant tronqué, il faut recourir au rituel provençal pour restituer ce que devaient être les rites initiaux de la cérémonie. L’introduction montre comment ces rites s’inscrivent dans une longue tradition de rituels dualistes depuis l’Antiquité.

     

    Le texte tronqué commence avec la fin de l’admonition de l’Ancien. Puis vient un bref commentaire des différents versets de la « prière sainte », le Notre Père, avec un développement plus long sur le « pain supersubstantiel », qui représente pour les Cathares la Parole de Dieu et les préceptes de la Loi ; le sens est illustré par de nombreuses citations des évangiles. Brèves indications sur les dispositions dans lesquelles il faut recevoir cette prière, et sur le ministère de l’Ordonné qui officie.

    Deuxième partie : le consolamentum, c’est-à-dire le baptême que le croyant reçoit aussitôt après avoir récité l’oraison. Réception du livre. Longue prédication de l’Ordonné nourrie de citations scripturaires. Baptême spirituel, pardon des péchés demandé et reçu par le croyant. Prières finales.


    Le Rituel cathare latin figure, avec le Livre des deux principes (SC 198), dans le manuscrit de Florence (Bibl. Naz. I ii 44 du fonds des Conventi soppressi).

                    L’auteur, anonyme, appartiendrait aux milieux proches de Jean de Lugio, aux alentours du lac de Garde ; il serait originaire du Languedoc, son latin conservant des tournures occitanes. Pour autant, le texte du Rituel n’est pas une traduction du provençal en latin.

                    La modération des textes liturgiques qui composent ce recueil renvoie à une époque antérieure à celle de Pierre des Vaux-de-Cernay († 1213), où l’officiant imposera aux cathares du Languedoc de renoncer à la foi de l’Église romaine, à l’onction et au rite du baptême. Il est donc probable que, bien avant la fin du xiie s., les communautés cathares célébraient leurs cérémonies religieuses sans hostilité manifeste contre le christianisme établi.

                    Privé de préambule, le Rituel ne transmet qu’un fragment centré sur les cérémonies traditionnelles de l’Oraison dominicale (traditio orationis), du livre des Évangiles et du consolamentum : parties essentielles de la liturgie cathare. Le consolamentum est le baptême de l’Esprit, initiation à la Vie du Parfait. Les cathares, en effet, dénient toute valeur au baptême d’eau conféré par Jean-Baptiste avec une matière créée par le diable et qui fait obstacle au baptême du Christ ou don de l’Esprit-Saint. Ils administrent ce sacrement (ordinamentum) en imposant à la fois le livre et les mains sur la tête du récipiendaire qui reçoit ainsi l’Esprit-Paraclet ou Consolateur.

                    L’initiation exige l’abstinence, de dures privations, la soumission à des principes rigoureux de vie morale. Les cathares se réclamant de l’Église primitive, le baptême de l’Esprit peut être rattaché aux rites d’ordination épiscopale et presbytérale fixés par la Tradition apostolique. L’imposition des mains est, aux yeux des cathares, le baptême du Christ ; par elle, l’âme récupère son propre esprit qu’elle a abandonné dans le ciel lors de sa chute. Cet esprit est l’Esprit-Saint demeuré intègre (firmus) et qui, lors de la « consolation en Christ » devient le Paraclet ou « Consolateur ».

                    Quiconque commet une faute mortelle doit redemander l’imposition des mains, indispensable au salut. En cas d’indignité du prélat, ses fidèles sont tenus de renouveler ce sacrement. La cérémonie cathare est une véritable ordination pour accéder à l’état de Parfait ou recevoir une charge épiscopale. Elle résume, dans ses deux parties, les solennités diverses que l’Église pratiquait, aux ive-ve siècles, pour le baptême, la transmission du Pater, la réconciliation des pécheurs, la consécration des évêques.

    Extrait(s)

    Rituel 13, 69-78

    C’est pourquoi vous devez comprendre, si vous avez reçu ce don de Dieu, qu’il vous faut le garder tout le temps de votre vie avec pureté de cœur et d’esprit.
    De même, personne ne doit penser que, par ce baptême que vous avez l’intention de recevoir, vous deviez mépriser l’autre baptême, <votre premier> christianisme et le bien quel qu’il soit que vous avez fait ou dit jusqu’à présent, mais vous devez comprendre qu’il vous faut recevoir ce saint ordinamentum du Christ en supplément de celui qui était insuffisant pour votre salut.

    Extrait 3

    Cela fait, que l’Ordonné dispose une table devant lui. Que le croyant vienne alors devant l’Ordonné et reçoive le livre de ses mains, avec trois révérences (…) Que l’Ordonné dise alors : Jean, avez-vous la volonté de recevoir le baptême spirituel de Jésus-Christ et le pardon de vos péchés, grâce aux supplications des bons chrétiens avec l’imposition des mains, et de le garder tout le temps de votre vie avec chasteté, humilité, et avec toutes les autres bonnes vertus que Dieu voudra vous accorder ? (…)

    Que l’Ordonné commence alors la prédication de cette manière, si cela lui plaît :

    O Jean, vous devez comprendre qu’en cet instant pour la seconde fois vous êtes venu devant Dieu et le Christ et l’Esprit saint lorsque vous êtes venu devant l’église de Dieu, comme on l’a montré plus haut par les écritures, et vous devez comprendre que vous êtes ici devant l’église de Dieu en vue de recevoir le pardon de vos péchés, grâce aux supplications des bons chrétiens avec l’imposition des mains. Et cela s’appelle baptême spirituel de Jésus-Christ et baptême de l’Esprit saint, comme le dit Jean-Baptiste.

    Extrait 3 : De la réception de la sainte oraison (p. 197-199)

    Par là vous devez comprendre que, maintenant, il vous faut recevoir cette sainte oraison, c’est-à-dire le « Pater noster ». Certes l’oraison est courte, mais elle contient de grandes choses. Celui qui doit dire : « Notre Père », doit donc l’honorer par de bonnes œuvres : le Fils est appelé : amour du Père, donc que celui qui désire être fils héritier s’abstienne entièrement d’œuvres mauvaises.

    L’expression : « Notre Père » est au vocatif, comme pour dire : Ô Père de ceux-là qui seuls doivent être sauvés.

    « …. qui es dans les cieux » signifie : qui habites parmi les Saints ou les Vertus célestes. Et voilà pourquoi il a peut-être dit : « Notre Père qui es dans les cieux » pour marquer la différence avec le père diable, qui est menteur et ‘père’ des mauvais, c’est-à-dire de ceux qui sont totalement privés de toute miséricorde salvatrice. Et ainsi nous disons : « Notre Père ». 

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