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SC 204
Lactance
Institutions divines, Livre V, tome I
Introduction, texte critique et traductiondécembre 1973Introduction, texte critique, traduction par Pierre Monat.
Ouvrage publié avec le concours du Centre National des Lettres.ISBN : 9782204065245259 pagesUne grande apologie du christianisme, par le « Cicéron chrétien » au début du 4e siècle.Présentation
Tout au long des trois premiers livres des Institutions divines, Lactance instruit le procès de l’erreur et de la fausseté, dans le domaine de la religion comme dans celui de la philosophie. Puis, dans le livre IV, il abandonne cette attitude défensive pour présenter l’ensemble du christianisme tel qu’il le conçoit, tout à la fois philosophie et religion, fondant sa vérité sur cette unité retrouvée.
Dans le livre V, Sur la justice, Lactance propose également une démarche qui tienne compte des acquis de la sagesse antique. Certes, après une longue réflexion méthodologique, il fait encore la part belle à la polémique : il prend violemment à partie les persécuteurs du christianisme et souligne cruellement les insuffisances et les contradictions de la pensée païenne sur le jus et la justitia. Mais il s’efforce surtout de montrer que cette réflexion, celle des stoïciens comme celle des académiciens, peut constituer un premier pas, que les chrétiens peuvent faire avec eux, vers une véritable justitia. Celle-ci est d’abord, à ses yeux, une prise de conscience par l’homme de sa véritable place dans le monde, par rapport à Dieu et par rapport aux autres, ainsi que de tous les devoirs qui en découlent : se situer justement dans le monde, c’est, en quelque sorte, entendre l’appel à la sainteté.Pierre Monat, Professeur de langue et littérature latines à l’Université de Franche-Comté, a publié une étude sur Lactance et la Bible, ainsi que les livres I, II et IV des Institutions divines.
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Comme les six autres livres de l’ouvrage, la datation précise du livre V des Institutions n’est pas certaine. Contrairement à l’éditrice du livre VI (SC 509), l’éditeur du présent volume date le texte des années 313-315.
La tradition manuscrite de Lactance est fort riche : jusqu’au XIIIe siècle, vingt-cinq manuscrits ont été recensés, parmi lesquels une vingtaine nous sont parvenus ; pour les XIVe et XVe siècles, on dénombre quelques cent-cinquante manuscrits des Institutions divines. L’édition critique du volume propose un texte révisé de l’édition Brandt-Laubmann du CSEL (CSEL 19 et 27, 1890-1893) basé sur une collation personnelle du Codex Parisinus 1663 (R), du IXe siècle. Le texte posant ça et là des problèmes d’ecdotique, l’éditeur du volume a choisi d’insérer dans l’introduction un exposé des problèmes critiques et des choix qu’il a fait de suivre ou non l’édition Brandt, en présentant ses arguments. L’apparat critique, volontairement abrégé, fait ressortir les désaccords de l’éditeur avec le texte de Brandt.
Dans le vaste projet apologétique de Lactance, le « Cicéron chrétien » du début du ive siècle, intitulé les Institutions divines, le livre V ici traduit et annoté enseigne la morale chrétienne, la iustitia. En faisant passer la morale avant le culte, auquel le livre VI est consacré, Lactance répond à un désir essentiel des Romains pour qui, avant d’être une quête de vérité, la religion était « une force moralisatrice et civilisatrice ». Sa composition a longtemps posé problème, car il ne semblait pas offrir, à première vue, l’ordonnancement rigoureux des autres livres. Il comporte également de nombreux renvois aux livres II et III laissant penser que Lactance venait de les revoir avant de livrer au public une édition à laquelle il aurait adjoint, d’un trait, les livres V à VII. Le livre V pourrait donc avoir donné un nouvel élan à l’œuvre, auquel la nouvelle méthode apologétique donnerait une valeur décisive. Le moteur de cet élan se trouve-t-il dans un événement de la vie de Lactance ou dans un événement extérieur ? Il est difficile de trancher.
Le préambule du livre affiche un objectif ambitieux : fortifier la foi des chrétiens en l’introduisant dans le cadre d’un enseignement rationnel. Attaché à l’héritage classique, Lactance compose un ouvrage de combat, qui tente de convaincre et de séduire un public aussi hétérogène par sa foi que par sa culture. Sous sa plume, la iustitia désigne à la fois une vertu, vertu distributive, vertu qui règle les rapports entre Dieu et l’homme, l’homme et son prochain, et l’institution qui se déshonore depuis les persécutions contre les chrétiens. Le livre V tente donc de faire dialoguer la justice antique, classique, et la justice chrétienne telle qu’elle est exposée dans les épîtres pauliniennes. Mais ce dialogue aboutit à une impasse, en raison de la volonté de Lactance de ne pas choquer son public non chrétien : la voix de saint Paul est par trop assourdie.
Extrait(s)
(p. 147 et 149)
Une nouvelle méthode apologétique
(V, 4, 2-5)Comme je ne pouvais répondre à chacun en particulier, j’ai pensé qu’il me fallait conduire mon plaidoyer de façon à renverser avec tous leurs écrits les anciens auteurs [païens] et à couper aux auteurs futurs toute possibilité d’écrire ou de répondre. Qu’ils prêtent seulement l’oreille : je ferai certainement bien en sorte que quiconque aura étudié mon œuvre accepte ce qu’il condamnait auparavant, ou, ce qui revient presque au même, cesse enfin de la railler.
Certes, Tertullien a plaidé parfaitement la même cause dans son livre intitulé Apologétique ; cependant, autre chose est de répondre aux accusations, ce qui consiste uniquement à se défendre et à nier, autre chose est de présenter des Institutions – c’est ce que nous faisons – dans lesquelles il faut nécessairement faire entrer la substance entière de la doctrine : voilà pourquoi je n’ai pas reculé devant la tâche de traiter à fond le sujet que Cyprien n’a pas épuisé dans le plaidoyer où il s’efforce de réfuter ce « Démétrien qui aboie » – ce sont ses propres termes – « et couvre de sa voix » la vérité. Il n’a d’ailleurs pas traité ce sujet comme il l’aurait dû : ce n’est pas en effet par les témoignages de l’Écriture, que son adversaire considérait comme une élucubration absolument vaine, imaginaire et mensongère, mais par des arguments rationnels qu’il aurait fallu réfuter ses accusations. Car, dès lors qu’il s’en prenait à un homme ignorant la vérité, il aurait dû laisser quelque peu de côté ses souvenirs des divines lectures et l’éduquer en commençant par les rudiments, comme un débutant, lui montrer peu à peu les éléments de la lumière pour ne pas l’aveugler en l’exposant à la pleine clarté.(XIV, 9-12, p. 203)
Bien que la justice embrasse simultanément toutes les vertus, il en est pourtant deux essentielles entre toutes, qui ne peuvent être détachées ni séparées d’elle : la piété et l’équité. En effet, la loyauté, la tempérance, la probité, l’innocence, l’intégrité et autres qualités du même genre peuvent, soit naturellement, soit par les principes familiaux, exister chez les hommes qui ignorent la justice, comme il y en eut de tout temps : car les anciens Romains, qui se glorifiaient d’ordinaire de connaître la justice, se glorifiaient en tout cas de ces vertus ; or, celles-ci, comme je l’ai dit, peuvent naître de la vraie justice et se séparer de leur source. Or la piété et l’équité en sont pour ainsi dire les veines profondes ; c’est en effet de ces deux sources que découle toute justice ; mais le principe et l’origine résident dans la première, la seconde détient toute la force et le fondement rationnel.
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