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SC 180
Jean Scot
Commentaire sur l'Évangile de Jean
décembre 1972Introduction, texte critique, traduction, notes et index par Édouard Jeauneau.
Réimpression de la première édition revue et corrigée (1999)
ISBN : 9782204063296478 pagesLe plus divin des évangiles, par un Irlandais à la cour de Charles le Chauve (9e s.).
Présentation
Moins fameux que le Periphyseon, le Commentaire sur l’Évangile de Jean de Jean Scot (IXe siècle) est cependant d’un grand intérêt pour l’histoire de l’exégèse biblique au Moyen Âge. Son originalité tient au fait que, à la différence des autres commentateurs latins de cet évangile, l’auteur ne se contente pas d’exploiter les Tractatus d’Augustin, mais a recours aussi à quelques Pères grecs (Grégoire de Nysse, Denys l'Aréopagite et Maxime le Confesseur), que personne pratiquement, en Occident, n’avait lus avant lui.
De ce commentaire nous possédons un seul manuscrit, mais infiniment précieux, puisqu’il est l’exemplaire de travail de l’auteur. Conservé à Laon depuis le IXe siècle, ce manuscrit semble n’avoir jamais été recopié. En tout cas, il est sûr qu’il a été peu lu. Au XIIe siècle, cependant, il se trouva un lecteur qui sut l'apprécier, le compilateur de la Glose Ordinaire sur l'Évangile selon saint Jean. Ce compilateur, très probablement Anselme de Laon († 1117), y puisa largement pour composer le réseau de gloses, tant marginales qu'interlinéaires, qu'il tissait autour du texte sacré. Ainsi grâce à la Glose Ordinaire, ce « pain quotidien des théologiens du Moyen Âge » comme on l'a appelée, le Commentaire sur l’Évangile de Jean fut accessible, dans une mesure fragmentaire certes, mais non négligeable, aux théologiens latins, entre autres à saint Thomas d’Aquin.Édouard Jeauneau, directeur de recherche honoraire au CNRS et professeur émérite de l’Institut pontifical d’Études médiévales de Toronto, a également publié de Jean Scot l’Homélie sur le Prologue de Jean (SC 151). Il a entrepris une nouvelle édition du Periphyseon, dont les cinq livres ont paru dans le Corpus Christianorum (CCCM 161-165).
Œuvre(s) contenue(s) dans ce volume
Jean Scot est un irlandais qui vécut à la cour de Charles le Chauve vers 850. Il serait mort entre 870 et 880.
Le Commentaire sur l’Évangile de Jean (avec l’Homélie) constitue, avec le Commentaire sur la Hiérarchie céleste du Pseudo-Denys, le 2e volet d’un triptyque dont le centre serait le Periphyseon. Félix Ravaisson, en 1849, en fit la première édition à partir d’un manuscrit anonyme qu’il identifia, Laon, Bibliothèque municipale 81. Le manuscrit est lacunaire : le début manque, il y a des lacunes au milieu du texte ; le commentaire s’arrête à Jn 6, 14, probablement du fait de la mort de Jean Scot. H.-J. Floss reproduit le texte de Ravaisson dans la PL avec l’ajout de varaiantes qui permettent d’améliorer le texte.
Les sources du Commentaire sont, outre la Bible, le Pseudo-Denys, Maxime le Confesseur et surtout Augustin (son commentaire sur l’Évangile de Jean) ; Origène, Jérôme, Grégoire le Grand (par l’intermédiaire de Bède), peut-être le commentaire d’Alcuin.
Selon Jean Scot, le savoir humain oscille entre la foi et l’intelligence. Par rapport à l’homme charnel, qui a la foi, l’homme spirituel a en plus l’intelligence des « symboles », la signification invisible des signes. L’objet à connaître se présente sous un double aspect, celui de la Nature et celui de l’Écriture, qui sont deux livres et deux mondes à déchiffrer, mais il ne faut s’en tenir ni aux formes sensibles, ni au sens littéral, sous peine de demeurer charnel. Jean Scot entreprend de déceler les multiples sens spirituels que recèle l’Écriture. Le sens spirituel des Écritures est sur la « montagne de théologie », tandis que le sens littéral se trouve au pied de la montagne, le Christ constitue le lien l’AT et le NT.
L’économie du salut passe par la loi de Moïse, puis la loi de grâce apportée en ce monde par Jésus Christ, et enfin la contemplation de la vérité dans l’au-delà. Le baptême délivre du péché originel non en réalité, mais en espérance seulement, car la délivrance n’interviendra qu’à la fin des temps. L’Incarnation et la Résurrection du Christ préfigurent la divinisation future de l’homme, vers laquelle il s’achemine par l’ascèse.
C’est par son âme que l’homme est à l’image de Dieu. L’âme, en effet, ignore son essence ; elle est douée d’une trinité de puissances cognitives (noos, logos et dianoia). Les dons de la nature (datum) et le don de la grâce (donum) sont des dons de Dieu. L’homme ne peut connaître Dieu dans son essence ; mais qu’en est-il des apparitions de Dieu aux hommes, nombreuses dans l’AT et le NT ? ce sont des théophanies, par lesquelles Dieu se montre et se cache à la fois, mais l’essence de Dieu demeure inaccessible.
Le Commentaire a été compilé par Anselme de Laon pour la Glossa ordinaria. Par la Glossa, Thomas d’Aquin a connu des fragments du Commentaire.
Extrait(s)
Extrait 1 : XXI [Jn, 1, 13-14 a], p. 101-103
Et le Verbe s’est fait chair. C’est comme s’il disait : Ne sois pas surpris de ce que la chair, c’est-à-dire l’homme mortel, puisse par grâce devenir enfant de Dieu, alors qu’il est bien plus miraculeux que le Verbe se soit fait chair. Car si le supérieur est descendu jusqu’à l’inférieur, quoi d’étonnant à ce que, sous l’action de la grâce du supérieur, l’inférieur s’élève jusqu’au supérieur ? Et cela, d’autant plus que le Verbe s’est fait chair précisément pour que l'homme devint enfant de Dieu. Le Verbe est descendu dans l’homme afin que, par lui, l'homme s’élevât à Dieu. Cette phrase de l’évangile peut se convertir simplement. Car, de même que nous disons : « Le Verbe s'est fait chair », même nous pouvons dire : « Et la chair s’est faite Verbe ».
Et il a habité parmi nous, c’est-à-dire : Il a vécu au milieu nous, les hommes. Le Verbe a habité parmi nous, c’est-à-dire qu'il a possédé notre nature.Extrait 2 : III, 5, p. 225-227
Quant à sa descente et à sa montée, le Christ lui-même, en un autre endroit, a expliqué clairement ce qu’elles étaient, en disant : Je suis sorti du Père et venu dans le monde, maintenant je quitte le monde et je vais au Père (Jn 16, 28). Sa sortie du Père a consisté à assumer l’humanité ; son retour au Père consiste à déifier, à élever jusqu’aux cimes de la divinité l’homme qu’il a assumé. Il est descendu seul, puisque seul il s’est incarné. Mais s’il est remonté seul, que peuvent bien espérer ceux pour lesquels il est descendu ? Leur espérance est grande et inexplicable, car tous ceux qu’il a sauvés remontent en lui, dès maintenant par la foi, et en espérance, à la fin des temps par la vision face à face et en réalité. C’est ce que dit Jean dans son Épître : Nous savons que nous sommes enfants de Dieu. Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; mais lorsque cela aura été manifesté, nous serons semblables à lui, car nous le verrons tel qu’il est (1 Jn 3, 2). Il est donc descendu seul et seul, il est remonté, parce qu’avec tous ses membres, il est un seul Dieu, l’unique Fils de Dieu. Tous ceux qui croient en lui, en effet, ne font qu’un avec lui. C’est ainsi que le Christ seul, corps et membres, est remonté au Père.
Errata
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SC 151
Homélie sur le Prologue de Jean
septembre 1969
Toute une théologie en quelques versets, par un Irlandais à la cour de Charles le Chauve (9e s.).